Plusieurs pays d’Europe centrale ont décidé de rendre obligatoire le port de masque ou de tissus pour limiter la propagation du nouveau coronavirus
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Actuellement, les pays du monde, confrontés à la même pandémie, se divisent en deux catégories : ceux qui imposent un masque de protection à leur population pour tenter d’endiguer la propagation du virus, et ceux qui ne jugent pas la mesure nécessaire. En France, le ministère de la Santé estime ainsi que «le port du masque chirurgical n’est pas recommandé sans présence de symptômes ». Mais les lignes bougent. Dans un avis publié le 2 avril, l’Académie de nationale de médecine préconise le port du masque, même artisanal, en population : «En situation de pénurie de masques et alors que la priorité d’attribution des masques FFP2 et des masques chirurgicaux acquis par l’État doit aller aux structures de santé (établissements de santé, établissements médico-sociaux, professionnels de santé du secteur libéral) et aux professionnels les plus exposés, l’Académie nationale de Médecine recommande que le port d’un masque «grand public», aussi dit «alternatif», soit rendu obligatoire pour les sorties nécessaires en période de confinement.»
La dynamique est identique au niveau de l’Organisation mondiale de la santé. Dans ses recommandations, l’OMS estime elle aussi qu’une personne en bonne santé ne doit «utiliser un masque que si elle s’occupe d’une personne présumée infectée par le 2019‑nCoV». Mais l’OMS, prenant exemple sur des pays d’Asie, a également ouvert la voie au port élargi de masques artisanaux par le grand public afin de limiter la propagation du Covid-19 : «Nous devons réserver les masques médicaux et chirurgicaux aux personnels en première ligne. Mais l’idée d’utiliser des masques recouvrant les voies respiratoires ou la bouche pour empêcher que la toux ou le reniflement projette la maladie dans l’environnement et vers les autres n’est pas une mauvaise idée en soi», a ainsi Mike Ryan, expert en situations d’urgence à l’OMS, lors d’une conférence de presse vendredi.
Dans une interview publiée le 27 mars par la revue américaine Science, George Gao, le directeur du Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies, avait critiqué l’absence de masques : «La grande erreur aux États-Unis et en Europe : les gens ne portent pas de masque. Ce virus est transmis par des gouttelettes et par contact étroit. Les gouttelettes jouent un rôle très important : vous devez porter un masque, car lorsque vous parlez, il y a toujours des gouttelettes qui sortent de votre bouche. De nombreuses personnes souffrent d’infections asymptomatiques ou pré symptomatiques. Si elles portent un masque, cela peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter d’autres personnes.»
D’ores et déjà, les gouvernements de plusieurs pays sont rangés à cet avis. Le port du masque ou d’un tissu couvrant nez, bouche et menton est obligatoire dans l’espace public ou dans certains lieux publics dans les pays suivants : Slovaquie, Slovénie, République tchèque, Autriche (supermarchés), certaines régions de Chine, Vietnam, Ouzbékistan, Israël, certaines provinces de Thaïlande et Venezuela. En Bulgarie, l’obligation du port du masque dans l’espace public a été levée mais reste recommandée.
A noter que le port du masque dans l’espace public n’est pas toujours une obligation dictée par les pouvoirs publics. En Asie, notamment en Asie du Sud-Est, il est commun de voir des personnes porter des masques quand ils sont malades. Aussi si on a pu voir de nombreuses images de Coréens du Sud portant des protections, le journaliste Gahyeok Lee explique à CheckNews que «pour les situations ordinaires et pour les personnes qui n’ont aucun symptôme, le masque n’est pas une obligation selon le gouvernement. Les gens peuvent donc sortir sans masque. Cependant, de nombreuses entreprises ou magasins fixent leur propre règle : «pas de masque, pas d’entrée». Il s’agit d’une sorte de règle non officielle et individuelle».
Europe centrale
Sur le continent européen, un peloton de pays d’Europe centrale, mené par la République Tchèque et suivi de la Slovaquie, la Slovénie, l’Autriche et brièvement la Bulgarie obligent le port d’un masque de protection ou d’un simple foulard en public.
Ainsi, depuis le 19 mars, l’ensemble de la République tchèque est obligé de porter un masque ou une écharpe dans l’espace public. Une mesure justifiée mardi lors d’une conférence de presse tenue par l’épidémiologiste Roman Prymula, à la tête de la task force pour combattre le virus dans le pays : «Nous n’utilisons pas les masques pour nous protéger car le niveau de protection est vraiment bas, mais pour protéger notre environnement », ajoutant que «si tout le monde porte des masques, aucun aérosol n’est créé et personne ne s’infecte facilement ». Selon le médecin, les masques permettent de bloquer 80% des gouttelettes et constituent une mesure clé pour ralentir l’infection, au même titre que le lavage des mains. Dans une vidéo publiée le 28 mars, le ministre de la Santé, Adam Vojtech, s’est joint à l’initiative #Masks4All, qui promeut la fabrication de masques cousus à la main, en déclarant : «Je recommande à tous mes collègues ministres et aux gouvernements de généraliser l’usage de masques même faits maison. Aujourd’hui nous voyons qu’il s’agit de la plus importante décision que nous ayons faite. Si ça nous a aidés ici, ça peut aider partout.»
Après s’être fait remarquer le 21 mars, en prêtant serment masqué, le gouvernement slovaque a édicté, à partir du 25 mars, la règle suivante : «La libre circulation des personnes en public est interdite sans équipement de protection du visage (masque de protection du visage, respirateur, foulard, etc.).» La mesure présentée comme «l’un des outils les plus importants pour prévenir la propagation du Covid-19 causée par le coronavirus (SARS-CoV-2) en République slovaque » et justifiée par un avis de l’autorité de santé publique de Slovaquie, n’avait pas manqué d’être remise en question par la presse nationale qui lui avait opposé la position de l’OMS. Selon le magazine conservateur Tyzden, le nouveau gouvernement a surtout répondu à la pression populaire : «Cette initiative est née spontanément parmi les gens. Nous pouvons dire qu’il s’agit d’une pression venue du bas, qui a été progressivement adoptée par les politiciens, les médias et la plupart de nos autorités scientifiques. »